Texte : Les liaisons dangereuses, Laclos Lettre 81, « Entrée dans le monde » à « la science que je voulais acquérir » Question : Quelle relation s’établit entre le narrateur adulte et l’enfant qu’il a été et qu’il met en scène ? 1) Introduction Ecrivain français de la fin du 18e siècle, Cholderlos de Laclos écrit Les Liaisons dangereuses, un roman épistolaire polyphonique, comme une critique directe de la société contemporaine. En effet, il y dénonce l’immoralité libertine en mettant en scène le destin tragique d’un couple libertin : La marquise de Merteuil et le Vicomte de Valmont. Dans cette lettre qui se situe au milieu du roman, Mme de Merteuil retrace son parcours initiatique qui lui a permis de devenir ce qu’elle est. Cet extrait prend donc une dimension autobiographique, puisque le narrateur met en scène l’enfant qu’il a été. Il y a donc distinction entre « je narrant » et « je narré » 2) Structure du passage La formation de Mme de Merteuil suit différentes étapes a) elle apprend, par ennui (« vouée au silence et inaction »), à « observer et réfléchir » b) cette activité lui donne l’occasion d’exercer la dissimulation de son intérêt c) le succès de son entreprise la pousse à la simulation d) elle se refuse à la communication et revient à la dissimulation pour ne pas partager sa pensée e) le travail théâtral qu’elle s’impose lui apprend à décrypter les physionomies, et elle utilise à nouveau l’observation Cette structure en symétrie par rapport à la simulation montre quelle importance elle lui donne : c’est la clé de voûte de sa réussite et ne craint pas de le répéter. 3) a) le travail sur soi-même champs lexicaux du labeur « avec soin » « tâcher » « étudier » de l’acquis « gagner » « j’ai su prendre » « j’obtins » « j’acquis » Parallèle constant avec la mécanique « je réglais » « cette science » b) l’ascèse du « je » masochisme pour parvenir à ses fins « douleurs volontaires » détournement du vocabulaire religieux « pousser le zèle » : utilisation de la mortification à des fins machiavéliques c) l’égocentrisme inflation du je (tout au long du texte) le je narrant regarde le je narré qui se regarde lui-même pronom réfléchi « je me suis travaillée » « je m’étudiais » pronom tonique parfois complété par épithète « moi seul » adjectifs possessifs « les miens » « mon attention » « ma pensée » va jusqu’à rechercher son image dans le regard de l’autre « dont je vous ai vu étonné » d) la fierté évidente et la mise en valeur de la puissance pour séduire Valmont intensifs « aller jusqu’à » « même celui de la joie » opposition « jeune fille » « sans intérêt » et « puissance » « armes » souligne l’exploit met en rapport cette formation avec la situation présente « ma pensée n’était dès lors » « j’ai gagné ce coup d’œil » « je possédais déjà » + forme restrictive « je ne me trouvais qu’aux premiers éléments » pour démontrer sa puissance face à Valmont « munie de ces premières armes » 4) Conclusion Le texte est bâti sur deux paradoxes. Le premier est la relation du « je narrant » au « jeu narré » : Mme de Merteuil se voit, à l’image de la condition féminine du siècle, comme « sans intérêt » « vouée au silence et à l’inaction », et pourtant tire de cette situation une science dont elle se fait honneur. De plus, elle y décrit l’usage blasphématoire qu’elle fait de l’ascèse, et se vante de la mortification qu’elle pratiquée étant jeune. Le second paradoxe est une contradiction dans son attitude : en voulant posséder sa pensée, elle se refuse à toute communication, tout contact, tout échange ou partage (vécus comme un viol « me laisser pénétrer ») Pourtant, par cette lettre, elle révèle tous les secrets de ses sentiments et de sa conduite. La clef de cette contradiction est sans aucun doute l’amour qu’elle porte à Valmont. |
|||||
... |
Connectez-vous pour consulter les réponses du CyberProf