Commentaire composé albert cohen
Francais (college, lycee) > sujets expliqués - 25/11/2007 - correction
Bonjour,
Tout d’abord, dans le cadre d’un tel commentaire composé, il est toujours bon de commencer par replacer le passage dans le contexte de l’½uvre. Cela vous aide déjà à amener le sujet dans l’introduction en rappelant brièvement de quoi parle l’ouvrage et comment l’extrait s’y situe. Les éléments narratifs sont ainsi donnés et c’est autant de gagner pour le développement. Ensuite, cela peut vous éviter des contresens et surtout vous donner des idées d’axes et d’arguments : si l’½uvre porte sur un thème majeur, il n’est pas rare qu’un axe puisse être consacré à l’étude de thème dans le passage ; cela peut aussi vous aider, à la lumière de la suite de l’½uvre, à voir en quoi ce passage est important (tel quel, il est peut-être difficile à analyser, mais savoir ce qui vient après permet de voir de quoi il est annonciateur, en quoi il est crucial etc.). Finalement, tout cela vous aide à structurer la pensée en dégageant les points clefs du texte. Pourquoi, dans cette ½uvre, vous a –t-on donné à commenter ce passage et pas un autre ? Ici, il est certain qu’il faut d’abord replacer l’extrait dans le livre « Belle du Seigneur » et s’interroger sur la place de l’amour charnel – que le chapeau vous rappelle un des thèmes majeurs de l’½uvre – dans le passage.
Il faut alors choisir deux ou trois axes qui permettent de couvrir tout le texte, d’en faire une lecture intégrale qui allie toujours fond et formes. A cet égard, il faut bien étudier les figures de style, métaphores etc. Il faut aussi en intégralité le texte, par petites touches intégrées dans le corps du commentaire. Enfin, vos axes de lecture, comme un plan de dissertation, doivent être progressifs, aller du plus général et évident vers le plus précis et marquer des enchaînements logiques entre eux.
Si l’on tient compte de ces remarques et qu’on les applique à ce passage, on peut dégager par exemple les trois axes qui suivent :
- une réception à la SDN : une réception qui rassemble des hommes-animaux, des hommes-marionnettes, qui semblent être soit absents soit complètement désintéressés ; cette absence de motivation, d’engouement, de sérieux même contraste beaucoup, voire même choque, avec l’objectif majeur de l’institution qui les abrite : sauvegarder de façon durable la paix entre les nations. Les descriptions donnent vraiment l’impression que ces réceptions sont des mécaniques bien huilées mais vides et ridicules, et cela contraste encore une fois – c’est un point majeur – avec l’objet de la SDN. Dans cette partie, vous pouvez assez facilement lier fond et forme avec les nombreuses figures de style et effets utilisés par l’auteur. Prenez par exemple le délégué suédois qui agit de façon « triste » et « mécanique » ou Lady Cheyne qui boit son thé de façon « immatérielle » : voilà pour de grands personnages qui agissent comme des machines, des marionnettes. Les allusions aux animaux sont aussi nombreuses : un Lord est comparé à un vautour, un nordique à un cheval, une journaliste à une mouche … sans parler des jeunes loups aux dents longues de la fin du texte. On peut donc montrer dans ce premier axe l’impression négative et détestable qui se dégage de ce genre de réceptions : convenues, mais dans le mauvais sens du terme, inhumaines finalement, avec des personnes qui n’apprécient pas ce qu’elles vivent, font les choses automatiquement, sans plaisir, ce qui contraste avec la chance dont elles bénéficient finalement et la cause noble et essentielle pour laquelle elles sont censées être là, qu’elles sont censées défendre, illustrer, représenter. Les arguments de fond ne manquent pas et pour la forme, vous avez de nombreuses métaphores, l’emploi des adverbes et des temps, la construction des phrases de description etc. Une première partie donc qui analyse la photographie globale qui ressort de l’événement décrit (tout est faux comme la fausse écoute du président français, son faux intérêt vis-à-vis de son interlocuteur, cf. expression forte et directe à analyser « n’y piger que dalle »);
- dans un second temps, on peut même aller plus loin en montrant qu’ils sont en fait là pour des raisons condamnables, des raisons très personnelles : certains uniquement pour venter leurs exploits (quels qu’ils soient, même au golf !) et écraser les autres de leur supériorité à toute épreuve ; « pour se faire mousser » dit plus prosaïquement, se mettre en valeur ; d’autres pour faire des compliments aux gens plus hauts placés, se faire bien voir, remarquer (le tout avec une attitude de « richesse méprisante », pour étaler son pouvoir, se faire voir, montrer aussi qu’on peut être courtisé par plus bas que soi pour les mêmes raisons) ; d’autres pour essayer de faire croire qu’ils défendent leurs intérêts de leur pays, mais si maladroitement que c’en est même pathétique (le ministre quinteux des affaires étrangères est décrédibilisé par le côté convenu et tout prêt de son discours, le fait qu’il dise cela – en essayant de se fâcher – en comité restreint, à des personnes qui n’y peuvent rien de toute façon – c’est un peu parler pour ne rien dire – et surtout par la retranscription de son défaut de prononciation). Pour cette partie, comme la précédente, je prends quelques exemple marquants, mais presque tous les personnages, toutes les saynètes peuvent à chaque fois faire l’objet d’un commentaire sur le fond et la forme tout à la fois. De même pour la bulgare qui essaie d’avoir de l’esprit (on sent bien qu’elle cite presque le seul livre très sérieux dont elle connaisse le titre – le style est quand même acide ici et contraste bien avec la convenance et la pseudo-délicatesse des salons qui abrite cette mascarade finalement). Finalement, on a vu ici que la situation est presque encore pire moralement parlant : non seulement, ils se moquent du rôle de la SDN et du minimum de retenue à avoir, mais en plus ils ne cherchent qu’à en profiter pour asseoir leurs intérêts propres ;
- dans une troisième partie, on peut alors montrer que ce sérail, cette mini-société porte en elle les germes de l’amour charnel et condamnable que vont connaître Solal et Ariane : ce qu’ils vont faire et vivre, on en a ici les bases, un condensé, presque l’explication par le mimétisme, la fatalité dans ce genre de milieu (c’est bien un anti-roman d’amour que Cohen a écrit là). On a déjà les descriptions des plus âgés qui introduit la notion de chair périssable ; on a ensuite l’explication sous forme d’argument filé, en continu, que seule compte la séduction, les apparences, ce que pensent les autres, ce qu’il voit. Ce thème est bâti sur l’opposition entre des hommes âgés, au physique passé et des femmes qui au contraire semblent plus jeunes et désirables, ou comme la Bulgare l’ont été, et jouent pour cela d’atouts que nous détaille l’auteur. Je ne reviens pas sur les descriptions des messieurs, mais il y a de quoi commenter également. Pour les femmes, vous avez l’exemple de Lady Cheyne, presque blasée de ces conquêtes amoureuses et sociales, mais surtout celui de la Bulgare qui essaie de rester ce qu’elle a été : « l’initiatrice d’un jeune roi timide », et on voit ce qu’elle est devenue, essayant en vain de rester comme avant (cf. parfums, habit, poids etc.). L’idée est donc ici de montrer que toute cette mascarade est orientée vers l’intérêt personnel comme montré avant, mais aussi le futile, l’amour charnel et périssable, celui de l’instant présent (aucune notion de sentiment dans le texte, aucun lexique associé : l’histoire entre le prince et la Bulgare est définie à partir de son rôle d’initiatrice, rien de plus).
On peut donc avec ces axes progressifs partir de l’image générale de mise en scène mécanique qui se dégage de la scène justement, puis insister sur ce qui se trame derrière (chacun cherche son intérêt) et enfin ce qu’il y a vraiment au fond de cette classe sociale, de ce groupe, de cette partie de la société : la recherche d’un amour physique, charnel et éphémère, dénoncé ici bien sûr par l’auteur. Nos protagonistes vont baigner dedans, car c’est ainsi que cela se passe à la SDN nous dit Cohen. Au final, il n’est donc pas très étonnant qu’il finisse par arriver ce qui arrivera. Si la première impression laissée par le passage est donc celle d’une dénonciation des actes d’une certaine partie de la société, peu morale, il faut en fait y voir l’annonce d’une fatalité pour les personnages qui vont finir d’entrer en scène dans ce contexte. C’est en cela que le c½ur de l’histoire est important à connaître, car finalement dans l’économie de l’½uvre, c’est surtout cela qui compte plus que la dénonciation traditionnelle de la morale des sphères du pouvoir.
Bien sûr, tout ceci est à adapter à votre propre réflexion, en tenant compte dans votre rédaction finale des habituelles recommandations de respect de la forme : transitions, insertions des citations, conclusions etc.
Bon courage.
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