Je suis en classe prépa littéraire et j'ai une dissertation à rendre dont le sujet est le suivant:"C'est à Platon et à Aristote qu'on doit l'expression de cette idée que l'art (peinture, poésie, musique ou sculpture) est toujours une imitation: mais l'imitation de la nature n'est pas une plate copie des spectacles offerts par le réel,et il revient à l'artiste de dégager le général ou l'universel) de la masse des cas particuliers. L'imitation est donc par elle-même une forme d'interprétation, d'autant plus qu'à l'imitation de la nature, s'ajoute l'imitation des grands modèles, c'est àdire à la fois la soumission à une tradition et le désir de rivaliser avec ce qu'on imite-cela de façon très consciente." Yvonne Bellanger, la Pléiade. La poésie en France autour de Ronsard. Dans quelle mesure votre lecture des Amours de Ronsard est-elle éclairée par ce jugement? Voici le plan auquel j’ai pensé. Merci de me dire ce que vous en pensez le plus rapidement possible ! I Une imitation des Anciens : Une soumission ou plutôt, une imitation naturelle puisqu’au XVI ème siècle, dans l’esprit de la Renaissance, le poète est baigné dans la culture antique. Ronsard a été l’élève, au collège de Coquelet, avec Joaquim du Bellay, du philologue Dorat qui leur a révélé les beautés de la langue hellénistique. Ronsard s’est ainsi nourri des textes anciens (concept dans l’histoire littéraire d’innutrition) pour élaborer ses propres textes et plus particulièrement les Amours car pour lui, l’imitation a un rôle déterminant : c’est un facteur de création pour l’élaboration de la littérature française de la Renaissance. Cela lui permet de renoncer aux formes fixes et contraignantes du Moyen –Age au profit des genres de l’Antiquité : retour aux Odes, à l’épopée et de renouveler ainsi la poésie. Ronsard qui, pour certains, est » étouffé par ses réminiscences antiques » s’inscrit dans la vision néoplatonicienne de la poésie antique : celle-ci constitue un archétype de la poésie dont l’Antiquité s’est rapprochée et c’est cette idée que Ronsard veut retrouver. Selon Platon et Ronsard, la fonction première de la poésie serait donc de protéger les mystères sacrés des regards profanes, le poète étant un démiurge : exemples :grâce aux mythes : le choix de Cassandre rappelle une des héroïnes de la Guerre de Troie, la fille de Priam et d’Hécube qui prédit la chute de la ville de Troie cf les chansons dans les Amours De 1552 : »d’un gosier machelaurier j’ai crié/dans Lycophron ma Cassandre/qui profétise aux Troyens/les moiens /qui les tapiront en cendres » p44 .Ronsard s’efforce par le langage poétique de rendre visible la vérité qui échappe à tout langage en procédant par allégories, approximations et images. La parole poétique peut seule se rapprocher de la parole originelle, révéler les mystères de la création et ainsi s’approcher du divin. Ronsard semble vouer à Cassandre un amour idéal, inaccessible, philosophique, il fait d’elle selon le vocabulaire platonicien, l’Idée même de la Beauté et de l’Amour, s’élevant »jusqu’au giron des plus belles idées ». En dehors de Platon, l’humaniste Ronsard, en homme cultivé aime aussi imiter Lucrèce(ex), Catulle :amourette p45 Outre les auteurs grecs et latins, Ronsard comme les gens de lettres de son temps s’est aussi inspiré des auteurs du XVIème siècle et plus particulièrement de Pétrarque dont il a lu et traduit le Canzonière, cette ½uvre qu’il a admirée et qu’il s’est appliqué à imiter. Sa Cassandre est à l’image de Laure, face à l’amour qu’elle inspire au poète, celui-ci est bouleversé mais cette passion n’est pas partagée sonnet XII, sonnet LXXII :Référence directe à Laure. Sonnet LXI, subtilité pétrarquiste « Dedans un pré… » Imitation du style de Pétrarque :langage précieux , sonnet VI : deux phrases en quatorze vers, dont une de onze vers. « Ces liens d’or… » P26 : groupe nominal hypertrophié, abondance de métaphores. On retrouve aussi des topoï de Pétrarque : la « femme-fleur », sonnet XIX, « la rose, le thème de la fleur qui se fane », sonnet « l’amant-vassal » sonnet XII et XXVI, inspiré directement de l’amour courtois du moyen âge (cf Erec et Enide ou Tristan et Iseult) « ravissement amoureux » sonnet XXI, « les beautés de l’aimée » sonnet VII, « le baiser » sonnet XLI Mais Ronsard, dans les Amours ne s’est pas contenté d’imiter Platon et Pétrarque. Il a aussi trouvé son inspiration dans les sonnets du poète italien Bembo. Cf sonnet XLIX, « comme un chevreuil » ou encore de l’italien Bevilacqua sonnet LVII « Ciel, air et vents » L’imitation des genres et des thèmes des « grands modèles » est certes la source de la poésie mais il faut cependant respecter un équilibre entre copie et création. II : Une interprétation des Anciens. L’imitation suppose toujours une distance consciente : C’est l’interprétation. « L’imitation n’est en fait qu’un moyen pour acquérir une maîtrise c'est-à-dire une étape nécessaire, le seul objectif c’est de dépasser ses modèles » Michel Lagrange. Ainsi, Cassandre n’est plus seulement l’héroïne mythique et tragique de la guerre de Troie mais c’est aussi une belle jeune fille de treize ans dont Ronsard est tombé amoureux quand il avait vingt ans lors d’un bal à Blois. Elle représente l’idéal féminin du poète, la femme intouchable par laquelle il n’a d’espoir que d’avoir un amour platonique : cf sonnet XX. Niveau de style élevé, chargé d’ornements mythologiques : « taureau blanchissant » : ici Ronsard reprend à son compte le mythe de l’enlèvement d’Europe. Tel Jupiter, le « je » enlèverait Cassandre. Quelques vers plus tard on peut constater la même appropriation du mythe antique. Le « je » s’identifie à Narcisse et Cassandre est caractérisée par la fontaine. Ronsard alors même qu’il traite des thèmes de la philosophie platonique prend soin de marquer quelque recul et se contente de puiser chez Platon des images et des mythes propres à favoriser l’élan de la création poétique. En effet, la plupart des allusions platoniciennes du recueil portent sur des mots, des citations, sans que la pensée qui inspire le sonnet soit le moins du monde platonicienne. Androgyne du banquet p 36 Influence platon p 37 Exemples : sonnet XX : » Je voudrais bien pour alléger ma peine/ Etre un Narcisse/ Et elle une fontaine/ Pour m’y plonger une nuit à séjour. » Ronsard fait ici clairement allusion à la sexualité. Dans le sonnet LXIX, il écrit « Quand ma maîtresse au monde prit naissance/ Honneur, Vertu, Grâce, Savoir, Beauté/ Eurent débat avec la Chasteté ». A l’époque du poète, les femmes de bonnes famille se devaient de rester vierge jusqu’au mariage, ce qui fait que Cassandre n’a jamais cédé à Ronsard. D’ailleurs, dans ce sonnet, on retrouve le champ lexical du plaisir amoureux « Chasteté », « jouissance », « fille » « beau corps ». Enfin, dans le sonnet LXXVI, on trouve le champ lexical de l’érotisme : « combat des amoureuses nuits », « plaisirs que les amants conçoivent », « faveurs », « passions », « tourments », « doux joug » et « foudre ». Ainsi, même s’il est l’héritier de l’amour courtois et qu’il vante souvent l’Idée platonicienne de l’amour, Ronsard peut prendre de la distance et écrire des sonnets plutôt coquins. III : L’originalité de Ronsard pour traiter des thèmes anciens tout en les actualisant. Ronsard s’est nourri de la culture antique, pour l’adapter aux lieux, aux goûts de son temps ou à sa propre personnalité. Il souhaite en réalité faire des poèmes universels. Son écriture a introduit dans la langue française des néologismes issus du latin et du grec. Une dizaine pour la première, une douzaine pour la seconde. Mais s’il est un fervent défenseur des grands modèles antiques, c’est certes parce qu’il s’en inspire mais c’est aussi parce qu’ils permettent de se dépasser et laissent une grande liberté, malgré une apparente rigidité avec, par exemple le sonnet en décasyllabe, composé de deux quatrains et deux tercets, avec des rimes embrassées puis croisées. Le « cadre » est rigoureux, mais permet au poète toutes les audaces pour ses créations. De plus, il imite les procédés savants de la poésie gréco-latine. Il utilise donc une syntaxe qui lui est propre. Pour rendre la langue plus poétique, il a recours à des inversions : ex : sonnet XIX « de tes soupirs nos neveux se riront ». Inversion du complément, qui a été mis en tête de phrase, comme le font les grecs. De plus, cela met en valeur ce qui est important dans le vers, c'est-à-dire les lamentations du poète. Il imite ainsi la fluidité des langues anciennes. Il lui arrive aussi d’utiliser des infinitifs substantivés, pour faire référence aux grands poètes grecs que sont Homère ou Hésiode, comme avec « le manger ». Tout son travail se fonde sur la recherche de l’élégance et l’harmonie de la phrase antique, tout en traitant de sujets qui peuvent toucher ses contemporains et lui-même. Il veut se montrer actuel tout en utilisant du vieux. Fidèle à l’esprit de la Renaissance, il inclut de nombreuses références à l’Antiquité : la Guerre de Troie, l’enlèvement d’Europe, le mythe de la conception de Romulus et Rémus, la pensée néo platonicienne, la valorisation de l’amour. Ces multiples allusions mythologiques montrent non seulement sa profonde imprégnation culturelle, mais elle traduit aussi un « sentiment panthéiste de la nature » La mythologie intervient donc pour décrire une femme réelle où un décor naturel de la vie de l’humaniste (ex son Loiret natal). Elle fournit de multiples manières de s’exprimer et sert son inspiration. Ronsard pense sincèrement voir des nymphes dans les fontaines ou les arbres. |
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